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Biographie
Né en Allemagne en 1936, Erwin J. Haeberle a débuté sa carrière de sexologue aux USA en 1966 comme chercheur invité de l’Université de Yale, puis professeur de sexologie à San Francisco et collaborateur de l’Institut Kinsey à l’Université de l’Indiana. De retour en Alle- magne, Erwin J. Haeberle a fondé en 1994 un centre de recherche et de documen- tation en sexologie à l’Institut Robert-Koch de Berlin. Ce centre de recherche a été transféré en 2001 à l’Université Humboldt.
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Quel avenir pour le mariage ?

Par le sexologue Erwin J. Haeberle

On dit souvent que l’institution du mariage traverse une crise. Si ce constat est vrai, alors quelle est l'issue ? De multiples contrats verront-ils le jour ?

Depuis que l’homme existe, il y a eu – sous une forme ou une autre – des mariages. Ce qui nous emmène au cœur du sujet. Car il y a toujours eu une pluralité de formes du mariage. Et ces différentes formes n’ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire.

Nous avons longtemps vécu dans la croyance que le « mariage parfait » s’était développé à partir de formes plus anciennes. Ainsi, les hordes primitives, contraintes à une certaine promiscuité sociale, n’auraient connu que l’union de groupe (tout le monde avec tout le monde). Cette union aurait elle-même servi de modèle à la polyandrie, forme matriarcale du mariage (une femme avec plusieurs hommes). Avec l’avènement du patriarcat se serait ensuite développée la polygynie (un homme avec plusieurs femmes) qui aurait enfin donné naissance, couronnement d’une évolution culturelle, à la monogamie (un homme, une femme).

Mais cette conception est erronée. La monogamie, comme les différentes formes du mariage polygame, existent depuis la nuit des temps. Dès l’aube de l’humanité, les hommes et les femmes ont connu des unions monogames, sans pour autant exclure d’autres variantes, partout dans le monde et pendant longtemps. Si la monogamie a néanmoins peu à peu supplanté les autres formes du mariage, ce n’est pas par hasard. Du point de vue strictement biologique, il existe un équilibre numéraire entre l’homme et la femme. A peu de chose près, chaque naissance d’un garçon est contrebalancée par la naissance d’une fille et, en toute justice, il ne devrait y avoir qu’un homme pour chaque femme, respectivement qu’une femme pour chaque homme. Un équilibre perturbé seulement par quelques incidents violents. Des hommes peuvent être décimés par des guerres. Certains hommes peuvent s’approprier le pouvoir au détriment des autres qui sont dès lors sexuellement défavorisés. Les bébés ou fœtus de sexe féminin peuvent être systématiquement tués ou avortés, pour ne citer que ces exemples. Mais à long terme, ces actes de violence sont « contre nature ». Au cours de l’histoire, il s’est donc établi une sorte d’équilibre, une égalité sexuelle quasi universelle, entre les hommes d’abord, mais aussi entre les sexes. Dès lors que cet équilibre naturel est rétabli, la monogamie reprend, pour ainsi dire automatiquement, ses droits. Actuellement, un argument en particulier plaide en faveur de la monogamie : elle est la seule forme du mariage compatible avec une vraie égalité entre les partenaires.

Désir - amour - mariage
Est-ce cette égalité justement qui pourrait expliquer le nombre sans cesse croissant de divorces ? Est-ce que de nombreux hommes ne sont toujours pas prêts ou capables de vivre d’égal à égal avec leur partenaire ? D’aucuns seront tentés d’admettre cette hypothèse, mais la vraie raison est sans doute à chercher au plus profond de nous et concerne pareillement les femmes et les hommes. La vie moderne nous a sans doute incités à confondre sexe et amour d’une part, et amour et mariage de l’autre. Nous refoulons cette évidence : le désir n’est pas forcément synonyme d’amour et un bon partenaire sexuel ne fait pas forcément un bon conjoint. Le désir peut flamber et s’estomper. L’amour est fait pour durer et surtout : le mariage doit résister s’il doit permettre d’élever des enfants communs. Mais les jeunes générations ne veulent pas admettre que le sentiment amoureux et l’attirance sexuelle peuvent s’éteindre rapidement. Dans ce domaine, les anciens étaient plus sages. Ils savaient qu’à long terme, les intérêts économiques communs et une entente harmonieuse sont plus importants. Les principaux intéressés savaient en particulier que le bien-être de leurs enfants dépendait de la stabilité de leur union. C’est pour cela qu’elle devait être construite sur une base solide. Pour cette même raison, les familles des époux avaient dans la plupart des cas leur mot à dire avant la conclusion du mariage. Aujourd’hui, les mariages sont basés essentiellement sur un sentiment d’amour et la plupart des divorces sont prononcés quelques années plus tard, quand le désir sexuel commence à marquer le pas. Les enfants sont alors encore en bas âge et sont les premiers à souffrir de la séparation.

Mais les problèmes du couple ne s’arrêtent pas là. Plus petite et plus isolée, la famille moderne et les parents subissent une pression importante. Souvent, les deux époux doivent travailler pour assurer la survie économique du ménage, ce qui laisse trop peu de temps pour les enfants. Professionnellement actives, mères, amantes et chargées du quotidien de la famille, les femmes en particulier subissent une quadruple pression. Beaucoup de ménages vivent loin des grands-parents et de leur famille et ne peuvent compter sur l’aide des proches. Quant aux voisins, ils ne sont pas d’un grand secours. La plupart subissent eux aussi des pressions et ont leur propres problèmes. Bref, beaucoup de couples éprouvent nettement plus de difficultés à vivre un mariage et une vie de famille heureux.

Malgré ces difficultés, les hommes et femmes ne cessent de tenter leur chance. Avec succès pour beaucoup, même si cela ne se passe pas toujours dans le cadre prévu. En même temps, nous voyons apparaître de nouvelles cellules familiales. Cela va des communautés de vie aux grandes familles sans lien de parenté, y compris des « vieux » adoptés. Des expériences qui marquent elles aussi l’image du mariage idéal. D’un autre côté, il devient de plus en plus évident que la procréation et l’éducation des enfants n’est pas le seul but du mariage. Cela n’a d’ailleurs jamais été le cas puisque depuis toujours, le mariage était non seulement autorisé, mais fortement conseillé aux femmes après la ménopause. Preuve que la sécurité affective et matérielle ont toujours été des justifications reconnues pour le mariage.

Quelles solutions ?
Face à la complexité actuelle de la situation des couples, une solution unique n’est pas envisageable. Au contraire, plusieurs issues de la crise semblent se profiler. Tout le monde a connaissance de couples vivant en dehors des liens du mariage, souvent à l’essai, pour certains depuis plusieurs décennies. Sans oublier les pactes civils pour couples hétérosexuels et homosexuels. Parallèlement, le mariage traditionnel fait toujours recette, souvent avec la bénédiction de l’église. Cette diversité nous rapproche de la situation qui prévalait dans la Rome antique. Le droit reconnaissait alors plusieurs formes d’unions – de l’union coutumière au mariage cérémoniel modeste en passant par les noces festives avec une pléthore de témoins et un prêtre. Plus les liens du mariage étaient tissés rapidement et plus il était facile de les rompre. Les Romains étaient donc très pragmatiques.

Cette propension au réalisme se retrouve aujourd’hui en Europe et semble offrir les meilleures conditions de survie du mariage en tant qu’institution – ou plutôt du mariage sous ses différentes formes. En effet, aucun modèle unique n’est applicable à toutes les situations, mais les couples souhaiteront toujours bénéficier, pour des raisons pratiques, d’une protection juridique. Ce phénomène est dans l’intérêt même de la société, car une relation de couple encadrée juridiquement contribue fortement à stabiliser la société. Globalement, les pays européens développent une diversité juridique et mettent en place différents niveaux de sécurité. Même si un pas essentiel a été franchi avec les pactes civils, les couples hétérosexuels et le couples homosexuels devront à terme être traités partout de manière identique. Ainsi, les couples homosexuels pourront opter pour un mariage classique et les couples hétérosexuels s’orienter vers une forme de pacte civil. Afin de satisfaire toutes les aspirations, l’on pourra choisir parmi les différentes formes d’union, et c’est précisément cette flexibilité qui garantira l’avenir du mariage.

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Les hommes et les femmes sont-ils faits pour vivre ensemble ?
Mardi 10 avril 2007 à partir de 20h40
Rediffusion le 11 avril 2007 à partir de 14h45
Théma, ARTE F, 2007, 120mn.



Mise à jour: 04/04/07 | Retour en haut de page |