Alain Giami *

Le questionnaire de l'enquête ACSF -
Influence d'une représentation épidémiologique
de la sexualité.

Population, 5, 1993, pp. 1229-1256.
Reproduced here by permission of the author.

Table des matières

INTRODUCTION 1

Méthode 4

Corpus 4

Position de l'auteur 5

Structure et organisation des questionnaires : les antécédents 5

Le projet américain "NORC/ A Social Science Research Center" , Univ. of Chicago  (1987) 5

Le projet  GPA / OMS  (1989) 7

Le questionnaire ACSF 8

La structure du "questionnaire-ACSF  Individu" 10

La présentation de l'enquête au répondant : Santé / Sexualité/  Sida. 11

La sexualité dans le questionnaire ACSF 12

Conclusion19

Références 19

 

INTRODUCTION :

Le présent article vise plusieurs objectifs. D'une part, il vise à présenter les modalités de l'élaboration et de la structuration du questionnaire de l'ACSF.  Dans la mesure où il ne contient pas d'étude technique du questionnaire, cet article ne relève pas du genre de l'analyse méthodologique,  comme cela a été réalisé par ailleurs (Wellings et coll. 1990 b).  En prenant pour objet d'étude la façon dont le questionnaire a été élaboré, on s'est situé en dehors d'une tradition de recherche qui a surtout visé à étudier les biais liés aux réponses, à la sélection des  répondants aux enquêtes, et aux biais d'échantillonnage  (Johnson and Delamater, 1976), en préférant  privilégier  "l'exploration et l'analyse des fondements selon lesquels les questions ont été choisies et légitimées" (Callero and Howard, 1989, p. 426). L'analyse des recherches qui ont précédé l'ACSF, dans le contexte du sida, occupe une place importante dans cet article, car elle a permis d'identifier les principales influences sur le questionnaire. La comparaison avec les recherches menées quasiment simultanément a permis de comprendre les variations d'interprétation de la problématique sida/sexualité.

D'autre part, le questionnaire a été  analysé comme un indicateur de l'évolution et de la reformulation des représentations de la sexualité dans le contexte dynamique  du sida. Le questionnaire a donc pris le statut d'un document qui cristallise des univers de référence, de communication et de signification concernant la sexualité. Dans cette perspective, si le questionnaire reste considéré principalement comme un document scientifique, l'analyse qui a pris en compte les déterminations scientifiques et non-scientifiques (politiques, idéologiques, économiques, psychologiques, éthiques)  qui ont présidé à sa fabrication  considère le produit final, non seulement comme un document scientifique, mais aussi comme un objet culturel qui résulte d'un certain nombre de compromis entre des exigences scientifiques, des objectifs de santé publique, des contraintes politiques, idéologiques, éthiques,  économiques et psychologiques.  Cette analyse s'inscrit dans le courant d'étude des "scripts de la sexualité" (Simon and Gagnon, 1986) et des représentations de la sexualité,  qui postule que les discours sur la sexualité constituent des scénarios qui structurent et organisent les représentations et les conduites sexuelles à différents niveaux:  sociétal, interpersonnel et intra-individuel.

Sur la base de ces principes, nous avons formulé 4 hypothèses quant aux conditions qui ont joué un rôle déterminant et structurant par rapport à l'élaboration du questionnaire.

1. Financements publics et contraintes politiques.  Sans l'apparition et le développement du phénomène du sida une telle enquête n'aurait jamais vu le jour. Même dans ce contexte, le financement public de telles enquêtes s'est avéré problématique aux États-Unis (Lyon, 1992) et au Royaume -Uni (Wellings et coll., 1990 a , Nature  éditorial,  1992). Les arguments opposés au financement des enquêtes auprès de la population générale portaient d'une part,  sur l'assimilation du  questionnaire à une entreprise pornographique qui risque de "donner des idées aux gens" et d'autre part, sur la protection de la vie privée des individus. La réalisation du questionnaire et le type de communication que sa passation ont nécessité ont été soumis directement au contrôle politique.  Dans une autre enquête réalisée aux États-Unis, on peut lire : "les questions concernant la fréquence des pratiques sexuelles spécifiques, y compris l'utilisation de préservatifs, n'ont été posées qu'aux personnes présentant un facteur de risque. Nous avons adopté cette approche pour éviter de faire intrusion dans la vie privée de personnes qui n'ont pas de facteurs de risque." (Catania et coll. 1992, p. 1102).  Cet argument est pour le moins troublant. D'un point de vue scientifique, on peut l'interpréter comme une façon de considérer que l'étude de l'activité sexuelle des personnes considérées comme non-à-risques ne présente pas d'intérêt scientifique, ni en soi ni pour comprendre les comportements  des personnes présentant des facteurs de risque; ce qui est discutable et fait ressortir que l'objectif principal du travail se situe plus sur le versant "sida" que sur le versant "sexualité".  Cette position prive en outre la communauté scientifique d'éléments de comparaison sur la dynamique des comportements sexuels (Spira, 1992).  D'un point de vue éthique, cet argument établit une distinction entre deux catégories de personnes en considérant implicitement et pratiquement qu'il est justifié de faire intrusion dans la vie privée des personnes qui présentent des facteurs de risque, alors que cela ne l'est pas pour les autres. L'article se termine en faisant état d'un pourcentage élevé de résidents nord-américains qui seraient désireux de répondre à des enquêtes portant sur le sida et sur les comportements sexuels.  Les auteurs, consultés, ont rapporté que les contraintes politiques qu'ils ont subies les ont obligés à ces renoncements pour pouvoir réaliser leur travail. En France, le questionnaire ACSF a été soumis pour approbation à un Comité  Scientifique.   Sur le plan éthique, des exigences ont été formulées par le Comité National du Sida qui a émis des recommandations concernant le maintien ou l'abandon de certaines questions considérées comme non-pertinentes avec "les objectifs de l'enquête". La Commission Nationale Informatique et Liberté (C.N.I.L.) a pour sa part formulé des exigences concernant la passation du questionnaire : mise au point d'un dispositif  garantissant  l'anonymat des répondants,  et envoi  d'une lettre préalable informant les répondants potentiels de l'appel téléphonique. Sur ce dernier point, les discussions ont surtout porté sur le fait de savoir s'il était nécessaire ou pas de mentionner les thèmes du sida et des comportements sexuels dans cette lettre (ACSF Investigators, 1992).  Ce problème a contribué à faire apparaître le vide juridique et l'absence de consensus concernant la question du "consentement libre et éclairé" dans les recherches en Santé Publique et en sciences sociales.

 

2. Sida et sexualité. Les problématiques liées au sida ont influé sur la construction d'un questionnaire sur les comportements sexuels. S'agit-il d'étudier "la sexualité dans la perspective du sida ou le sida dans la perspective de la sexualité" ? (Gagnon, 1988).  En d'autres termes, il est nécessaire de comprendre comment la commande sociale  portée par le développement du sida a en même temps favorisé la réalisation d'une telle enquête et constitué un biais pour l'étude de l'activité sexuelle de la population générale.  Cette situation n'est pas nouvelle. Il a déjà été montré que depuis les recherches princeps de Kinsey et de ses collaborateurs (Kinsey et coll., 1948, 1953) qui sont à l'origine du paradigme (Kuhn, 1970)  du "comportement sexuel", les recherches sur les comportements sexuels ont toujours été suscitées par des problématiques spécifiques - notamment, la contraception (Simon, 1972; Zetterberg, 1970) ou les attitudes à l'égard de l'homosexualité (Klassen et coll.,1989 ) - qui ont orienté la construction des dispositifs d'enquête (Feldman, 1975;  Giami, 1991). Cette situation a rendu difficile la mise en perspective longitudinale des résultats de ces différentes recherches dans la mesure où les domaines explorés ne se recouvrent pas complètement et où les questions ne sont pas formulées de la même façon. A titre d'exemple, il est intéressant de rappeler que dans le Rapport Simon (1972), le partenaire sexuel du répondant était nécessairement construit comme un partenaire de sexe opposé et que l'activité sexuelle hétérosexuelle y était explorée en détails comme allant de soi. L'expérience homosexuelle n'a fait l'objet que d'une question en fin de questionnaire.  Dans le questionnaire de l'ACSF et dans d'autres questionnaires réalisés dans le contexte du sida,  on demande à de multiples occasions au répondant de préciser le sexe du partenaire dont il est question. Cette situation a eu pour effet de remettre en question le caractère d'évidence du comportement hétérosexuel en ne tenant pas pour acquis le sexe (différent) du partenaire et en redonnant de facto à l'hétérosexualité un caractère problématique (Lhomond, 1991).  Comme on le voit à partir de ce "simple" exemple, la problématique suscitée par le sida  - et notamment la nécessité d'identifier les sujets et leurs partenaires qui appartiennent à des groupes à risques - a eu pour effet de remodeler et de renouveler les interrogations adressées à la population dite générale.  Cet exemple relève presque du paradoxe dans la mesure où les nécessités liées à la problématique sida-sexualité permettent d'ouvrir et de rendre plus précis l'exploration de l'activité sexuelle de la population. Il s'agit donc de comprendre si ces effets permettent effectivement de donner une représentation fidèle de l'activité sexuelle de la population dans son ensemble qui permette en même temps de répondre aux problèmes posés par le développement de l'épidémie de VIH-sida et à l'élaboration des réponses sociales et de Santé Publique.

 

3. Santé Publique, épidémiologie et sciences sociales.  La demande initiale est liée à des préoccupations de Santé Publique. Elle a été traduite dans un dispositif de recherche qui associe des chercheurs en santé publique et des épidémiologistes d'une part, et des chercheurs en sciences sociales et humaines, d'autre part. Les objectifs de  recherche sont formulés dans une double perspective : il s'agit de "décrire certaines des composantes de l'activité sexuelle et notamment les pratiques sexuelles susceptibles  d'exposer au risque de transmission du vih, et d'aborder plusieurs axes d'analyse d'ordre sociologique, psychosociologique et psychologique en relation avec les comportements sexuels dans leur ensemble et plus particulièrement avec la prise de risque"(bajos, Bozon, Giami, Ferrand, 1993, p.30). Dans le cadre de l'ACSF, cette distinction a longtemps été pensée en termes de "comportements" et de "déterminants des comportements". En première approche on pouvait penser que la description et la mesure de la prévalence des différentes pratiques sexuelles eût relevé d'une application de certaines des méthodes de l'épidémiologie, alors que l'explication des différents facteurs qui influent sur la réalisation de ces pratiques aurait relevé des sciences sociales.  Or les choses se sont avérées plus complexes dans la mesure où les épidémiologistes ont proposé des explications en termes d'exposition à des  facteurs de risque et d'indicateurs de risque (Spira, 1990), et ont établi une classification et une hiérarchie des pratiques sexuelles en fonction de leur degré de risque.  La prédominance de ce point de vue a joué comme critère de sélection pour les questions non directement reliées aux "objectifs de l'enquête".  Les critères propres aux différents chercheurs en sciences sociales ont été souvent évalués à l'aune des critères épidémiologiques et donc de la commande principale de l'enquête. Par ailleurs, le contexte de Santé Publique a joué un rôle dans la construction du champ de la sexualité et son insertion dans le champ de la santé, et notamment de la santé reproductive et de la santé sexuelle. A un autre niveau, ce contexte a aussi été opérationnalisé à propos des réponses sociales, préventives et médicales.

 

4. Recueil d'informations fiables et gestion de la relation Enquêteur/Enquêté.    Les thèmes retenus et leur chronologie dans le questionnaire reflètent la tension entre la nécessité de recueillir des informations fiables et pertinentes, et les contraintes liées au respect de l'anonymat et de la sensibilité attribuée à un répondant abstrait et imaginaire. En d'autres termes, le questionnaire doit être à la fois techniquement efficace et socialement et psychologiquement acceptable. Cette acceptabilité concerne les chercheurs, les enquêteurs, les répondants et tous les acteurs impliqués dans la réalisation de l'enquête. Le dispositif institutionnel mis en place comportant un volet scientifique et un volet éthique a été le garant, parfois non sans conflits, de cette double exigence.  Les choses sont d'autant plus compliquées que l'acceptabilité du questionnaire par les répondants contribue aussi à la fiabilité et la validité des données recueillies.

 

La version finale du questionnaire de l'ACSF résulte donc de l'ensemble des compromis scientifiques, politiques, économiques et psychologiques qui ont été nécessaires pour aboutir à sa réalisation.  De ce fait le questionnaire ACSF repose sur, en même temps qu'il explicite, une nouvelle représentation de la sexualité qui inclut les pratiques sexuelles aussi bien que l'activité mentale qui oriente et accompagne celles-ci. Le "comportement sexuel" est défini, dans l'ACSF, comme "une configuration comprenant un répertoire de pratiques sexuelles, un répertoire de scénarios et un répertoire de significations" (Bajos, Bozon, Giami, Ferrand, 1993, p.33).  Cette nouvelle représentation de la sexualité est focalisée sur la dimension du risque de la transmission du VIH qui bénéficie d'un traitement central, au détriment d'autres dimensions.  Il s'agit donc de montrer comment et en quoi  cette représentation a été opérante sur le plan de la construction du questionnaire. C'est à dire en quoi cette représentation a orienté d'une part, de manière implicite, la sélection des questions retenues concernant le champ de l'activité sexuelle, et des dimensions psychologiques et sociologiques et, d'autre part, de manière plus explicite le choix des questions concernant la santé, la maladie, le sida et la santé publique.

 

Méthode.

Le questionnaire a été analysé du point de vue de sa structure thématique  (les questions qui sont posées et celles qui ne le sont pas)  et de la façon dont ces questions sont posées, en prenant en compte les considérations qui ont présidé au choix,  à la chronologie et à la formulation des questions portant sur l'activité sexuelle.

Traiter du questionnaire de l'ACSF nécessite la prise en considération de dimensions différentes. L'élaboration thématique et structurelle du questionnaire répond en effet plus directement à la problématique de la recherche :  celle-ci est d'autant plus complexe que les équipes et les disciplines représentées au sein de l'équipe sont nombreuses. 

L'analyse a donc été menée à deux niveaux. Le questionnaire a été, d'une part, présenté et discuté du point de vue de sa pertinence scientifique par rapport aux problèmes posés; il a été, d'autre part,  discuté du point de vue de sa signification, du fait qu'il constitue une "construction référentielle" (Ghiglione : 1987) en même temps qu'un scénario socialement acceptable de communication sur la sexualité. 

Cette analyse prend appui sur la comparaison avec des questionnaires réalisés par d'autres équipes dans les pays industrialisés, avant  l'apparition du sida et, dans le contexte du sida antérieurement et parallèlement à l'ACSF. Les choix effectués par ces différentes équipes dépendent de différents facteurs : des facteurs strictement scientifiques liés aux traditions et au fonds de recherche existant dans ce domaine et des facteurs culturels et politiques. 

 

Corpus :

1 Questionnaires antérieurs au contexte du sida:

Le comportement sexuel de l'homme .  (Kinsey et coll. 1948).

Le comportement sexuel de la femme.   (Kinsey et coll. 1948).

Rapport sur le comportement sexuel des français.  (Simon et coll. 1972).

Sex and morality in the U.S. An empirical enquiry under the auspices of the Kinsey Institute.  (Klassen et coll. 1989).

2. Questionnaires antécédents à l'ACSF dans le contexte du sida:   

Projet américain NORC (1987) : Social and behavioral aspects of health and fertility-related behavior  

Projet GPA/O.M.S. (Carballo et coll. 1989) : A cross-national study of patterns of Sexual Behaviour  avec ses deux volets : Partner Relations et KAbP (Knowledge, Attitudes, beliefs, Practices) .

3. Questionnaires réalisés parallèllement :

Enquête britannique NATSAL : National Survey of Sexual Attitudes and Lifestyles  (Wellings et coll. 1990 b).

Enquête norvégienne : The Norwegian Sexual behavior Study  (Sundet et coll. 1990) .

Enquête américaine : The National Aids behavioral Surveys  (Catania et coll. 1992).

 

Position de l'auteur : 

Cette  analyse est fondée sur ma propre position dans le dispositif de l'enquête ACSF.  En tant que psycho-sociologue, membre de l'équipe de recherche, je revendique ma part de responsabilité scientifique dans les choix qui ont abouti à l'élaboration du questionnaire final et auxquels j'ai contribué. En tant que chercheur analysant les représentations de la sexualité, je traite le questionnaire comme un matériau d'analyse de premier choix pour en décrypter le sens. Cette  analyse n'est possible que dans "l'après-coup" de la réalisation de l'enquête et de la publication des premiers résultats: c'est le moment où une certaine distance commence à s'installer avec l'objet que constitue le questionnaire, et où on le confronte à nouveau avec d'autres questionnaires élaborés par ailleurs pour réaliser des enquêtes apparemment similaires. Il s'agit donc d'une prise de distance critique fondée, à la fois, sur les premières évaluations de la productivité du questionnaire et de son adéquation aux objectifs qu'il est censé remplir, et  sur une analyse comparative permettant de réfléchir sur les choix qui ont été opérés. Cette analyse entre dans un projet critique plus spécifique aux approches de la psychologie sociale qu'à celles de la santé publique.

 

Structure et organisation des questionnaires : les antécédents. [1]

Le projet américain "NORC/ A Social Science Research Center" , Univ. of Chicago  (1987) :

Ce projet déposé en 1987 auprès du National Institute of Child Health and Human Development a connu des fortunes diverses, dans la mesure où il n'a pas été financé et est resté bloqué dans les méandres de l'administration républicaine pendant plusieurs années, avant d'être financé (à plus petite échelle) par des fondations privées (Lyon, 1992).  Il présente cependant la caractéristique d'avoir été élaboré à la fois par des sociologues et des spécialistes des grandes enquêtes quantitatives en population générale (General Social Survey : GSS),  et par des sociologues spécialistes de la recherche sur les conduites sexuelles.  La construction de la problématique de la recherche (déjà en partie traitée par ailleurs : cf. Giami, 1991)  repose sur des réflexions de type sociologique, formulées antérieurement à la rédaction du projet,  portant sur les événements de vie et les réseaux de relations sociales. La thématique du risque et l'approche épidémiologique concernant les MST (dans laquelle le thème du VIH-sida est englobé)  constituent le deuxième volet du projet, qui a été articulé à la dimension sociologique.  Il est tout à fait important de noter que, dans ce projet, des chercheurs  en sciences sociales ont fait appel à la collaboration d'épidémiologistes et de chercheurs en Santé Publique,   ainsi qu'à des spécialistes des enquêtes sur de grands échantillons. La problématique de Santé Publique s'est donc greffée sur des problématiques sociologiques. En France, par exemple, on a assisté à la situation inverse [2].   Par ailleurs, les auteurs du projet NORC ont développé un corps d'hypothèses extrêmement précis que le questionnaire a eu pour mission de tester. Le projet OMS décrit plus bas s'est situé dans une perspective plus empirique en affirmant "qu'il est prématuré de développer des hypothèses théoriques et qu'il s'agit principalement de décrire la nature et la variabilité des comportements sexuels".  L'ACSF s'est  située pour sa part, dans une position intermédiaire.

Le projet du questionnaire NORC est divisé en deux parties:

 

Module central

Pratiques  sexuelles et partenaires

Informations démographiques

Pratiques contraceptives

Histoire médicale et Maladies Sexuellement Transmissibles (MST)

Connaissances Attitudes et Pratiques dans le domaine de la santé

 

Modules supplémentaires

Histoire sexuelle rétrospective

Attitudes et croyances face à la sexualité

Attitudes politiques et sociales

Co-facteurs socio-économiques

Abus de drogues

Tests de dépistage du VIH et des MST (NORC, p. 125)

 

Le module central est prévu pour être administré à la population générale et constitue le centre du questionnaire permettant la validation des hypothèses. Les modules supplémentaires sont de deux sortes. D'une part, il s'agit de questions considérées comme secondaires pouvant faire l'objet d'une passation auprès d'une partie seulement de la population globale, et permettant ainsi la rotation des items et le raccourcissement de la durée du questionnaire. D'autre part, il s'agit de questions spécifiques concernant l'expérience de groupes minoritaires (homosexuels masculins, homosexuelles féminines, prostituées, détenus, étudiants, personnes hospitalisées ou placées en institutions de soins, et utilisateurs de drogues par voie intra-veineuse).  La construction du champ de la sexualité est segmentée en différentes parties.   L'activité sexuelle fait l'objet d'un large développement qui inclut le répondant et ses partenaires - rapportés- sur les plans de l'histoire de vie et des réseaux relationnels. Par ailleurs, les pratiques contraceptives, y compris le préservatif,  et l'expérience des MST sont traitées  de manière spécifique. Ces deux derniers domaines sont construits dans une problématique d'ensemble autour de la santé sexuelle et reproductive.  La liaison entre des approches sociologiques de l'activité sexuelle et la problématique du sida est intégrée dans un ensemble qui dissocie, dans un premier temps, les deux domaines avant d'en chercher les corrélations, c'est-à-dire les déterminants sociaux, liés à la phase du cycle de vie,  qui exposeraient les individus au risque d'infection par le VIH ou qui les mettraient en contact avec des personnes considérées comme à risque.  Ce projet traite d'abord de l'activité sexuelle à l'aide d'une problématique spécifique, en cherchant à identifier les éléments sociaux et biographiques qui influencent ses modalités de réalisation. L'activité sexuelle y est d'emblée traitée comme une pratique sociale et psychologique. Il traite dans un deuxième temps des pratiques contraceptives, des Mst et des attitudes face à la santé, avant de traiter des attitudes et des réponses au risque d'infection.  Enfin ce projet se situe très précisément par rapport à la littérature existant sur le domaine et les domaines connexes (323 références sont citées).

 

Le projet  GPA / OMS  (1989) :

Le projet élaboré par des membres du Global Programme on AIDS (GPA) de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a une autre visée.  Ce groupe de travail, qui a commencé à travailler fin 1987, a eu pour mission de "développer des matériels de recherche qui peuvent être utilisés pour définir les modèles dominants de comportements sexuels dans des environnements sociaux et culturels différents, dans le but de faciliter les orientations de la prévention du sida et de contrôler les activités"  (Carballo et coll., 1989, p. 287).   Il s'agit là d'un document programmatique émanant d'un groupe mandaté par un organisme international, qui se propose de structurer un champ de recherche,  d'animer celui-ci et de contribuer à l'information et à la formation des chercheurs et des enquêteurs en fournissant un "package" prêt à utiliser.  Il ne s'agit donc pas d'un projet de recherche à proprement parler mais plutôt d' un appel d'offres.  

Le champ des recherches est défini de la façon suivante : "un certain nombre de domaines incluant les connaissances, attitudes, croyances (KABP) et le comportement sexuel face à l'infection à VIH (les relations entre partenaires, le comportement homosexuel masculin, le comportement bi-sexuel masculin, la prostitution et le comportement d'injection de drogues" (Carballo et coll. 1989 p. 288).

Le cadre conceptuel qui sous-tend le questionnaire est composé de quatre éléments: "contexte socio-culturel (institutions, normes et valeurs, culture), idéologie sexuelle, orientation personnelle face au risque, opportunité" (p. 291).  Les auteurs reconnaissent le caractère empirique de leur démarche en affirmant que le but principal des travaux proposés vise à l'identification "de la nature et de la variabilité du comportement sexuel humain et constituent le terrain pour le développement (ultérieur) de la théorie et de sa validation".  Si l'on souscrit à une telle affirmation, il faut alors considérer que ce projet est construit à partir de constatations de sens commun et que le champ de recherche qui articule l'étude des comportements sexuels et de l'infection à VIH a été délimité à partir de représentations sociales de la sexualité et du sida et des liens qui unissent ces deux thèmes.  Cependant, ce projet ne se cantonne pas uniquement à l'étude des comportements sexuels (encore faudrait-il s'entendre sur la définition de ce terme !);  il vise aussi à identifier certains éléments qui peuvent exercer une influence sur leur déroulement ou leur occurence. 

 

Ce schéma général est opérationnalisé dans la proposition d'une structure de questionnaire comprenant:

 

1. les caractéristiques sous-jacentes (socio-démographiques, emploi, éducation, religion, mobilité) 

2. l'exposition aux médias

3. le mariage et la parenté 

4. les connaissances et les pratiques contraceptives avec une focalisation sur l'utilisation de préservatifs 

5. le comportement sexuel 

6. les maladies sexuellement transmissibles 

7. l'idéologie sexuelle 

8. les connaissances, attitudes et croyances à propos de l'infection à VIH-sida 

9. l'utilisation de drogues et d'alcool 

10. le comportement d'injection de drogues." (Carballo et coll. 1989, p. 292)

 

La structure du questionnaire articule donc des éléments de niveaux différents : des éléments renvoyant à différentes pratiques (comportements sexuels, pratiques contraceptives et préventives, utilisation de drogues diverses, recours à des services de soins), des éléments renvoyant à la sphère culturelle et cognitive (médias, connaissances, attitudes et idéologie) et enfin des caractéristiques socio-démographiques et institutionnelles.  C'est donc le choix d'inclure et d'associer certains éléments et de ne pas en inclure d'autres qui constitue le fondement d'une théorie implicite des relations entre sexualité et sida. On remarque, par exemple, dans ce projet, l'importance qui est accordée à la description de certaines pratiques sexuelles qui sont hypothétiquement corrélées, à des degrés divers, avec un risque d'infection; des éléments concernant la santé reproductive sont également pris en compte ainsi que le statut et le sexe du ou des partenaires.  Par contre, on remarque que les dimensions psychologiques et affectives des relations, notamment, ne sont pas prises en compte ni le plaisir ou la douleur ressentis au cours des pratiques sexuelles. Les pratiques sexuelles sont objectivées et associées à des contextes institutionnels, culturels et  médicaux. Les significations de l'activité sexuelle sont donc précadrées et préselectionnées; certaines d'entre elles sont absentes du  schéma, alors que les significations empiriquement  liées au phénomène du sida sont sur-représentées.  On note l'inclusion de l'utilisation de drogues par injection, ainsi que la pratique d'injection de médicaments prescrits et la non-inclusion des pratiques de transfusion sanguine. Enfin les intentions, les expériences ou les attitudes en matière de poursuite ou d'abandon d'une grossesse en cas de séropositivité de la mère, n'apparaissent pas non plus.

Cette dualité de traitement concernant des éléments qui jouent un rôle théorique important dans la contamination et la transmission du VIH n'est pas justifiée théoriquement.  Ainsi, il ne s'agit pas d'un questionnaire permettant de traiter l'ensemble des conditions de contamination et de transmission du VIH-sida connues à l'heure actuelle. Le questionnaire ne traite pas systématiquement des questions relatives à la sexualité, et il traite en outre certaines des conditions non-sexuelles liées à la contamination et la transmission. Le texte disponible ne permet pas de comprendre comment les choix retenus ont été effectués. On note enfin que le projet, bien que publié dans une revue internationale, ne comporte pas de bibliographie, les auteurs se contentent  d'énoncer qu'il n'existe presque pas de recherches utilisables dans ce domaine et qu'ils ont consulté des experts de différents pays. Cette situation est préoccupante dans la mesure où ce projet définit les conditions de comparativité des différentes enquêtes internationales.

 

Passons donc maintenant à l'analyse de la construction du questionnaire ACSF.                                                                                                                                                                                        

 

Le questionnaire ACSF.

Le projet GPA/OMS est reconnu comme l'une des principales sources de l'ACSF. La double approche, "KABP" et "Relations entre Partenaires" a constitué le point de départ de la réflexion. "Il a  d'emblée paru judicieux d'adapter le schéma proposé à la situation française." (Bajos, Spira, 1993, p.16).  Il faut cependant noter que, d'entrée de jeu, il a été fait le choix d'associer des chercheurs en sciences sociales et en sciences humaines et de construire des axes d'analyse sociologiques, psycho-sociologiques et psychologiques. Ces différents axes ont été définis progressivement par les chercheurs des différentes équipes. 

 

Les objectifs de l'ACSF ont été définis de la façon suivante :

 

"L'enquête ACSF a pour objectif principal de recueillir les informations de base sur les comportements sexuels de la population utiles à une définition plus adéquate des stratégies de prévention du sida et à l'élaboration des modèles prévisionnels d'évolution de l'épidémie.

 

Les objectifs spécifiques suivants ont été définis :

1. Mesurer la prévalence de certaines conduites considérées comme indicateurs de risque (homosexualité, bi-sexualité, multipartenariat hétérosexuel, recours à la prostitution, consommation de drogue).

2. Mesurer la prévalence des pratiques à risque d'infection au vih (pénétration anale, pénétration vaginale, contacts bucco-génitaux, échange d'aiguilles), protégées et non-protégées et de certaines pratiques non à risque.

3. Etudier la distribution du nombre de partenaires sexuels

4. Analyser certains facteurs sociologiques, psycho-sociologiques, psychologiques qui influencent les comportements sexuels et notamment les comportements à risque d'infection au VIH.

5. Evaluer les changements de comportements depuis le début de l'épidémie." (ACSF: Document de synthèse n°2, 25/02/91).

 

Le projet ACSF se situe donc en décalage par rapport au modèle GPA/O.M.S. dans la mesure où il introduit tout d'abord des distinctions dans le statut du risque (indicateurs vs facteurs de risque) qui vont occuper une place centrale dans la structure du questionnaire et son mode de passation (établissement d'une carte-filtre).  Par ailleurs, bien que censé répondre principalement à "un problème majeur de Santé Publique", le questionnaire ACSF déploie une problématique pluridisciplinaire et vise à expliquer, et non seulement à décrire,  la prévalence et la fréquence des diverses activités sexuelles et les connaissances, attitudes, croyances et sentiments qui les organisent et les accompagnent.  Les choix effectués dans le projet ACSF contrastent avec ceux des chercheurs d'autres pays. En Norvège, les auteurs ont choisi de centrer leur questionnaire sur les comportements sexuels, dans le cadre d'un questionnaire court et auto-administré en excluant d'emblée toutes les questions concernant "les sentiments et les attitudes".  "La principale raison de ce choix réside dans le fait que le VIH est, bien sûr, transmis à travers des actes sexuels, mais aussi parce qu'il est difficile d'obtenir des informations valides et fiables sur les sentiments et les attitudes au moyen d'un questionnaire auto-administré." (Sundet et coll. , 1990, p. 81).  L'équipe britannique (projet NATSAL) se propose pour sa part d'explorer "les attitudes à l'égard du comportement sexuel, des relations sexuelles et du sida et d'examiner les relations entre les attitudes, le contexte social et le comportement" (Field, 1989, p. 15).  Cette équipe situe très précisément ses objectifs dans le contexte de santé publique de l'épidémie de sida pour "aider à la prévention de la dissémination du virus et aider à l'organisation et à la fourniture de services de santé pour ceux qui sont déjà atteints." (Wellings et coll. 1990 b).  Par ailleurs, l'ambition de cette équipe est de "développer l'instrument de recherche aussi loin que possible pour fournir des informations qui pourront aider les autres professionnels de la santé qui travaillent dans le champ de la santé sexuelle, dans le "counselling psycho-sexuel", dans la prévention des autres maladies sexuellement transmissibles, dans la planification familiale etc..." (Wellings et coll., 1990 b).  Comme on le voit, l'équipe britannique a surtout élargi le champ de son investigation vers la santé sexuelle et les réponses sociales, préventives et médicales, et notamment vers le recours aux institutions de soins.  L'équipe américaine  (Catania et coll. 1992) a réalisé une étude sur la prévalence des facteurs de risque liés au sida et sur l'utilisation des préservatifs auprès d'un échantillon de la population générale, avec une sur-représentation des grandes villes considérées comme les centres de l'épidémie.  Cette équipe a élargi son point de vue en prenant en compte la prévalence de la transfusion sanguine comme l'un des facteurs de risque.  

 

La structure du "questionnaire-ACSF  Individu". [3]  

Le questionnaire ACSF a été élaboré sous la forme d'un certain nombre de modules qui représentent les contributions des différentes équipes animées par leurs problématiques spécifiques. Ces modules sont présentés ici dans l'ordre chronologique de leur apparition dans le déroulement du questionnaire.

 

Signalétique

Divers santé

CARTE FILTRE

Parler de sexualité

Normes concernant la sexualité

Normes de l'acte  sexuel

Attitudes et Perceptions de la mort

Attitudes temporelles

Prise de risque

"Locus of control"

Normes concernant l'usage de préservatifs

Confidents

Vie de couple

Contraception

Caractéristiques: religion, revenu , lecture

Premier rapport

Pratiques sexuelles générales

Nombre de partenaires

Dernier rapport sexuel

Avant-dernier rapport sexuel

Expérience de la prostitution

Maladies Sexuellement Transmissibles

Test de dépistage

Changements de comportements (passé-futur)

Perception du risque

Usage de drogues illicites

Abus sexuels

Connaissance et facilité d'utilisation des moyens de protection

Perception sociale

Fantasmes

Connaissance séropositif 

Solidarité

 (ACSF, Présentation du questionnaire , Doc. Ronéo 2/9/91)

 

Ces différents modules peuvent être regroupés de la façon suivante.

Ils comprennent des questions :

* d'ordre socio-démographique et culturel concernant le répondant et son ou ses partenaires;

* sur les normes, valeurs, représentations et dispositions psycho-affectives et  psycho-sociales à l'égard de l'activité sexuelle;

* sur l'activité sexuelle; 

* sur les relations et dispositions à l'égard du ou des partenaires;  

* sur la santé, la santé sexuelle et reproductive et le sida (connaissances, attitudes et pratiques).   

 

Nous avons déjà montré par ailleurs ( Giami, 1991) qu'il était logiquement impossible d'atteindre à l'exhaustivité dans le domaine de la sexualité et de l'activité sexuelle (Gaignebet, 1991).  Dans la mesure où le questionnaire ACSF est déjà le produit d'une réduction sous-tendue par la problématique sida-sexualité, il importera d'examiner en quoi et comment les choix qui ont été opérés par l'équipe apparaissent cohérents ou pas par rapport aux objectifs de la recherche, à savoir, connaître les comportements sexuels de la population et les comportements sexuels à risque d'infection au VIH, ainsi que les déterminants de ces différents comportements permettant de les expliquer. 

 

La présentation de l'enquête au répondant : Santé / Sexualité/  Sida

Dans la lettre d'annonce à en-tête de l'INSERM, envoyée aux ménages dont le numéro téléphonique avait été tiré au sort, l'enquête est présentée comme "une grande étude  sur la santé auprès de 20.000 personnes".

Au moment de la sélection de l'individu, l'enquête est présentée différemment comme "une grande étude à l'échelle nationale auprès de 20.000 personnes sur la santé pour aider  à mieux  définir la prévention".  Enfin une fois que la personne a été sélectionnée selon la "méthode anniversaire", l'enquête est présentée plus précisément :  "Je vous rappelle que cette étude est strictement anonyme. Vos réponses sont recueillies sans aucune mention de vos numéros de téléphone, nom et adresse. Cette étude porte sur la santé et la prévention du sida, notamment sur vos opinions, sur ce que vous connaissez de cette maladie, votre vie sexuelle et sur ce que vous pensez des mesures de prévention. Selon les cas, elle dure entre 10 minutes et une demi-heure. "  

Le thème de l'enquête n'est clairement indiqué qu'à la personne sélectionnée, afin que celle-ci soit la seule à prendre la décision d'accepter ou de refuser de répondre en fonction du thème de l'enquête, et pour éviter que la personne qui a répondu en premier à l'appel téléphonique ne constitue un biais de sélection en donnant son propre avis.  Sur un plan éthique, ces précautions ont pour fonction de protéger le répondant sélectionné de toute pression sur sa façon de répondre au questionnaire : les autres membres du ménage peuvent ainsi ne pas connaître le thème de l'enquête, et seul le répondant donne son consentement en connaissance de cause.  Sur un plan culturel, ces précautions laissent apparaître que répondre à un questionnaire sur la sexualité et le sida n'est pas considéré comme neutre ou "naturel", contrairement à ce qu'affirmait l'éditorialiste de "Nature" (1992), et est susceptible de provoquer des résistances.

Enfin la présentation du thème de l'enquête situe le questionnaire à l'articulation de la santé, de la maladie du  sida, de la vie sexuelle et de la prévention.   En donnant une légitimité sociale à l'enquête, cette présentation indique en même temps la signification dominante qui est attribuée à la vie sexuelle - sa liaison avec la santé,  le sida et la prévention - ainsi  que la liaison du sida avec la vie sexuelle : "Il semble n'exister aucune autonomisation de l'objet de l'enquête (les comportements sexuels) relativement à son motif social (la maladie sida)." (Mounier, Ferrand, 1991).   Cette liaison tend donc à renforcer la représentation du sida comme "maladie sexuelle" (Giami, Veil et coll., 1992).

La présentation des objectifs de l'enquête au répondant illustre un problème à l'articulation entre les exigences  éthiques - obtenir un "consentement libre et éclairé" - et les nécessités d'obtenir des réponses fiables - c'est-à-dire non biaisées par des injonctions implicites qui risquent d'orienter les réponses aux questions dans un sens ou dans l'autre.  Du point de vue éthique, il était indispensable de mentionner les différents thèmes du questionnaire et, ce faisant, on a choisi de prendre le risque d'orienter les réponses. D'un autre point de vue, la référence au sida est supposée donner une légitimité à des questions considérées comme sensibles - telles que les questions sur la vie sexuelle.  L'enquête augmente ainsi son degré de faisabilité  tout en acceptant de susciter des biais sur les réponses. Mais par ailleurs, l'introduction du thème du sida (sous une forme ou sous une autre) apparaît comme un obstacle à la fiabilité de certaines réponses notamment celles concernant l'usage de préservatifs. 

L'équipe ACSF a bien eu conscience de ce problème dans la mesure où il a été décidé de ne poser les questions concernant le sida et la séropositivité qu'après les questions sur l'activité sexuelle et les pratiques de prévention et de protection.  

Cependant  la lecture du questionnaire fait apparaître dès les premières minutes de sa passation une question sur le sida (Qu. 48) dans le module "Locus of control",   une question sur les intentions de procréation en cas de séropositivité (Qu. 51), deux questions sur les changements de comportements depuis l'apparition du sida (Qu. 101 et 102) dans le module "confidents".  Ce décalage entre les intentions explicites de l'équipe et la réalisation effective du questionnaire montre combien le contexte de l'épidémie du sida apparaît comme un élément difficilement maîtrisable dans la gestion de la méthodologie, malgré les tentations d'échapper à cette contrainte et la prise de conscience du biais "sida" sur le recueil de données concernant l'activité sexuelle. L'exploration de la vie sexuelle du répondant a donc été menée explicitement et implicitement sous le signe du sida.

 

La sexualité dans le questionnaire ACSF.

Dans ce contexte, il importe de repérer la construction du champ de la sexualité  dans le questionnaire. Pour ce faire, nous avons retenu les questions qui font référence aux différents éléments suivants:

 

Le répondant : identité sexuelle,  expérience sexuelle et orientation sexuelle,

Le répondant est identifié tout d'abord en fonction de son sexe, de son âge, de son statut conjugal et de ses conditions d'habitation et de cohabitation.  Dès l'énoncé de la carte-filtre, d'autres variables entrent en ligne de compte : le fait d'avoir eu plusieurs partenaires au cours de la dernière année, ou d'avoir eu un partenaire de même sexe, ou d'avoir eu  recours à la prostitution au cours des cinq dernières années. Le champ de l'activité sexuelle est donc étendu, très tôt dans le questionnaire, au delà du "modèle hétérosexuel et monogame" qui prédominait de manière normative dans le rapport Simon (Feldman, 1975). Par la suite l'expérience sexuelle du répondant est explorée sur différents axes : son expérience au cours de la vie, au cours des cinq dernières années, au cours des douze derniers mois, au cours du dernier mois et lors des deux derniers rapports sexuels (en cas de partenaires différents).  Son orientation sexuelle est construite au niveau de l'attirance et au niveau de l'expérience effective. Elle est mesurée à l'aide de deux échelles H-H en 5 points  inspirées de l'échelle H-H en 7 points de Kinsey qui visait à décrire "l'équilibre entre l'hétérosexualité et l'homosexualité en se fondant sur un continuum" (Kinsey et coll., 1948, p. 801). 

La possibilité d'avoir eu plusieurs partenaires et d'avoir eu des partenaires de sexe opposé, du même sexe que soi ou des deux sexes est donc envisagée à toutes les étapes de l'expérience sexuelle et pour chacun des deux rapports sexuels analysés. On retrouve la même démarche de questionnement dans les questionnaires américains (NORC et Catania) et norvégien (Sundet).  Dans l'ACSF, la définition de l'univers de référence, la construction  des champs de l'identité, de l'expérience et de l'orientation sexuelles diffèrent notablement  de celles qui avaient prévalu dans le Rapport Simon, vingt ans auparavant. Sur ces points, le rapport Simon envisageait l'expérience sexuelle de la dernière année avec un seul partenaire de sexe différent. L'homosexualité ne faisait l'objet que d'une seule question en fin de questionnaire avec les "autres expériences"; en  pratique, l'expérience sexuelle des personnes ayant eu des rapports sexuels avec une ou des personnes du même sexe n'avait pas fait l'objet d'une exploration détaillée. Le questionnaire britannique NATSAL propose une conception intermédiaire :  les premiers rapports sexuels sont explorés exclusivement dans le cas de rapports avec une personne du sexe opposé;  la possibilité d'avoir eu des rapports sexuels avec une personne de même sexe n'est explorée que dans la partie auto-administrée du questionnaire - réalisé en face à face - après la section consacrée à la description des rapports avec un partenaire de sexe opposé. 

Sur le plan de l'âge, les échantillons constitués varient selon les questionnaires. Dans le questionnaire Simon, les répondants étaient âgés de "20 ans et plus"; mais concrètement,  l'analyse a distingué trois groupes d'âges : 20-29 ans, 30-49 ans, 50 ans et plus. L'échantillon ACSF est compris entre 18 et 69 ans alors que l'échantillon britannique NATSAL est compris entre 16 et 59 ans et celui de l'équipe Catania  entre 18 et 75 ans.  Pour  la limite inférieure, ces différences s'expliquent par les variations de l'âge de la majorité légale entre ces pays. En ce qui concerne la limite supérieure, les raisons avancées pour la justifier sont plus floues. Dans l'enquête pilote du rapport Simon, les enquêteurs avaient pu observer un taux plus important de non-réponses au delà de 50 ans. L'équipe Catania justifie l'âge de 75 ans par le fait que la transfusion sanguine est considérée comme un facteur de risque. Ce faisant,  pour les répondants âgés de plus de cinquante ans, c'est l'expérience sexuelle des 15 dernières années qui est explorée.  Quant à l'équipe ACSF, elle ne donne pas d'explication satisfaisante pour le  choix de la limite supérieure d'âge.

 

Le statut et les caractéristiques des partenaires.

L'équipe ACSF avait posé en hypothèse de départ que les relations et les pratiques sexuelles pouvaient varier selon les caractéristiques du partenaire.   Le questionnaire ACSF, comme la plupart des questionnaires contemporains, envisage la possibilité théorique et pratique de plusieurs partenaires sexuels pour chaque répondant; il importe donc de spécifier les statuts et les caractéristiques qui sont attribués à ces partenaires effectifs ou potentiels.  Est considéré comme partenaire sexuel, pour l'application du module "dernier rapport sexuel",  toute personne avec laquelle le répondant déclare avoir  eu au moins un rapport sexuel au cours des douze derniers mois.  Le questionnaire ACSF permet de savoir si le conjoint est ou n'est pas un partenaire avec lequel le répondant a eu (depuis douze mois)  des rapports sexuels, en laissant celui-ci définir si le dernier ou l'avant-dernier partenaire est éventuellement le conjoint.  Dans le  questionnaire norvégien les partenaires sont hiérarchisés : les pratiques réalisées avec le conjoint/cohabitant sont explorées systématiquement avant les pratiques réalisées avec d'autres partenaires.  Dans le questionnaire britannique NATSAL, on a demandé les caractéristiques du partenaire le plus récent, puis les caractéristiques des deux partenaires les plus récents au cours des cinq dernières années.  Par ailleurs, les fréquences des rapports sexuels et la durée de connaissance avec ces partenaires sont prises en compte dans ACSF et NATSAL. L'ACSF, a permis après analyse d'établir une typologie des partenaires sexuels avec lesquels "le répondant a eu au moins un rapport sexuel au cours des douze derniers mois: cohabitant, nouveau, occasionnel ou régulier." (Léridon, 1992).  De plus,  le questionnaire ACSF permet de savoir si les derniers partenaires sexuels étaient des prostituées et, si le répondant  connaît l'orientation sexuelle, le statut partenarial (mono ou multi-partenaires), l'utilisation éventuelle de drogues ou d'alcool et le  statut  sérologique concernant le VIH, de chaque partenaire. Par contre, et à la différence de l'enquête américaine Catania, l'ACSF n'a pas pris en compte l'expérience de la transfusion sanguine parmi les caractéristiques des partenaires. 

Enfin, les partenaires sexuels ne sont pas identifiés uniquement à partir des derniers rapports sexuels qui ont eu lieu au cours des douze derniers mois.  Dans le module consacré aux relations de confidence, il a été demandé, lorsque le confident ne faisait pas partie de la famille, si le répondant avait eu des rapports sexuels avec lui.  Enfin, dans le module consacré à l'exploration des fantasmes sexuels, il a été demandé de définir certaines caractéristiques des partenaires imaginaires et dans la question consacrée à des pratiques minoritaires, si le répondant avait eu plusieurs  partenaires simultanément et un partenaire sexuel non-présent physiquement  par le biais du téléphone ou du Minitel (il s'agit des pratiques de masturbation téléphonique).

L'extension du nombre potentiel et des caractéristiques des partenaires sexuels constitue un changement radical de point de vue par rapport au questionnaire Simon.  Dans celui-ci, il était fait référence  seulement à un partenaire de sexe opposé au cours de l'exploration de l'activité sexuelle de la dernière année. Ce partenaire  était défini comme "régulier" ("conjoint" ou "ami").  L'éventualité d'avoir eu d'autres partenaires sexuels - de sexe opposé uniquement - n'était mentionnée que lors de l'exploration de l'expérience sexuelle au cours de la vie et en référence au mariage (avant ou pendant le mariage). L'évolution de la conception du statut, des caractéristiques et du nombre des partenaires sexuels dans les questionnaires contemporains est liée autant à l'évolution socio-démographique des relations entre partenaires sexuels qu'à la définition du multi-partenariat comme indicateur ou facteur de risque, selon les enquêtes (Giami, 1993). En outre, dans une perspective épidémiologique, l'étude du multi-partenariat peut permettre d'évaluer la dynamique de l'épidémie dans différents groupes sociaux.  On note cependant que le statut sérologique positif  du ou des partenaire(s) n'a pas été retenu en soi comme un facteur ou un indicateur de risque, à la différence de l'enquête américaine Catania.  Cette dimension est cependant importante dans la mesure où si le répondant ou son partenaire principal est séropositif, la monogamie (hétérosexuelle ou homosexuelle) avec un partenaire qui présente cette caractéristique devient à son tour un indicateur de risque pour la transmission du VIH, qu'il est nécessaire d'évaluer.  (cf. Groupe d'Etude Européen sur la transmission   hétérosexuelle du VIH, 1992).  On peut penser que   l'omission de la monogamie comme indicateur de risque dans certaines circonstances, permet de déceler, a posteriori, les effets d'un préjugé d'ordre idéologique selon lequel le risque de contamination est  assimilé à des pratiques, activités ou relations sexuelles - ou non-sexuelles - minoritaires ou "coupables", plutôt qu'aux relations considérées comme normales. Par ailleurs, la non inclusion de questions sur la la transfusion dans certaines enquêtes est souvent attribuée à la faible prévalence supposée de ce mode de contamination. On n'a cependant pas omis d'inclure dans ce questionnaire  la consommation de drogues par voie intra-veineuse,  comme indicateur de risque malgré les difficultés d'accéder à la population des utilisateurs de ces produits au moyen de la méthode retenue dans l'ACSF. 

 

Les pratiques et activités sexuelles du répondant dans son expérience et dans ses interactions avec ses partenaires.

Dans la mesure où les enquêtes contemporaines se situent dans le contexte de l'épidémie de VIH-sida, les pratiques sexuelles (et non-sexuelles) connues comme étant à risque d'infection et de transmission du virus font l'objet d'explorations détaillées. On a  cependant pu observer des différences  quant aux pratiques explorées dans les différentes enquêtes. L'équipe américaine Catania n'a retenu que l'exploration des pénétrations vaginale et anale (insertive et réceptive pour les hommes homosexuels) avec ou sans préservatifs. Les enquêtes britannique NATSAL et norvégienne ont inclus,  en plus, les pratiques orales. L'enquête norvégienne ne permet pas de mesurer très précisément la fréquence et les proportions respectives des fellations insertives ou réceptives ni celle du cunnilingus lors des rapports hétérosexuels. Par contre, le questionnaire NATSAL  permet cette mesure aussi bien pour les hommes que pour les femmes ayant eu un rapport avec un partenaire du   même sexe ou du sexe opposé. Seules l'ACSF et NATSAL ont inclus les caresses manuelles des organes génitaux entre partenaires.  La masturbation n'a été retenue que dans l'ACSF.  

Le questionnaire ACSF a pris en compte l'ensemble de ces pratiques sexuelles pour les hommes et pour les femmes, de façon active et passive.  D'autres pratiques sexuelles ont, en outre, fait l'objet de l'exploration.  Globalement les pratiques suivantes ont fait l'objet de l'exploration dans les sections consacrées aux pratiques sexuelles réalisées au cours de la vie du répondant (Qu.  156, 157, 158, 159, 160, 348,  sans oublier les variantes masculine et féminine du questionnaire).  

 

Au cours de votre vie, avez-vous déjà eu les activités sexuelles suivantes, souvent, parfois, assez rarement ou  jamais ?  (Avec une femme)

    1 votre partenaire vous a masturbé

    2 vous avez masturbé votre partenaire

    3 votre partenaire vous a sucé le sexe

    4 votre partenaire a avalé votre sperme

    5 vous avez léché le sexe de votre partenaire

    6 vous avez léché le sexe de votre partenaire et en même temps votre partenaire vous a sucé le sexe

    7 votre sexe a pénétré dans le vagin de votre partenaire

    8 vous avez léché l’anus de votre partenaire

    9 votre partenaire vous a léché l'anus

    10 votre sexe a pénétré dans l’anus de votre partenaire

 

Dans la liste suivante, pouvez-vous m' indiquer les pratiques que vous avez faites dans votre vie, souvent, parfois, assez rarement ou jamais ?

    1 vous avez vu un film ou un spectacle pornographique

    2 vous avez utilisé une messagerie rose sur le minitel ou appelé un téléphone érotique

    3 vous avez eu des rapports sexuels avec plus de deux personnes en même temps

    4 vous avez utilisé un objet pour obtenir une excitation sexuelle

    5 vous avez pratiqué  l'échange de partenaires entre couples

    6 vous avez lu un journal pornographique

    7 vous vous êtes masturbé(e)

 

Par ailleurs, on a aussi exploré les abus sexuels, c'est à dire les activités   réalisées sans le consentement de l'un des deux partenaires ou sous la contrainte:

- conversations téléphoniques à caractère pornographique. 

-  rapports sexuels imposés par la contrainte.

 

Il faut cependant noter que la formulation des questions ne permet pas  d'identifier les personnes qui ont été les auteurs de ces actes mais seulement les victimes.  On a supposé  implicitement  que la violence sexuelle ne ferait pas l'objet de déclarations de la part de ses auteurs.  Cette modalité de l'activité sexuelle n'a été explorée que dans le module réservé aux fantasmes.

 

Concernant le dernier rapport sexuel les questions ont été posées différemment. Toutes les modalités énoncées dans l'exploration des pratiques sexuelles réalisées au cours de la vie n'ont pas été reprises.  (Qu. 212, 213, 214, 215, 216 et 258, 259, 260, 261) :

 

(A un répondant masculin)  SI LE PARTENAIRE ETAIT UNE FEMME :

Pouvez vous me dire les activités sexuelles que vous avez eu au moins une fois lors de ce dernier rapport  (oui/non/non réponse)

    1 vous vous êtes caressés les corps tendrement

    2 votre partenaire vous a masturbé

    3 vous avez masturbé votre partenaire

    4 votre partenaire s’est masturbée

    5 vous vous êtes vous-même masturbé

    6 vous avez mis vos doigts dans le vagin de votre partenaire

    7 votre sexe a pénétré dans le vagin de votre partenaire

    8 aviez-vous mis un préservatif à chaque pénétration

    9 vous avez léché le sexe de votre partenaire

    10 votre partenaire vous a sucé le sexe

    11 aviez-vous mis un préservatif à chaque fois

    12 votre sexe a pénétré dans l’anus de votre partenaire

    13 aviez-vous mis un préservatif à chaque pénétration 

 

(A un répondant masculin)   SI LE PARTENAIRE ETAIT UN HOMME

Pouvez-vous me dire les activités sexuelles que vous avez eu au moins une fois lors de ce dernier rapport (oui/non/non réponse)

    1 vous vous êtes caressés les corps tendrement

    2 votre partenaire vous a masturbé

    3 vous avez masturbé votre partenaire

    4 votre parternaire s’est masturbé

    5 vous vous êtes vous-même masturbé

    6 vous avez sucé le sexe de votre partenaire

    7 avait-il mis un préservatif à chaque fois

    8 votre partenaire vous a sucé le sexe

    9 aviez-vous mis un préservatif à chaque fois

    10 votre sexe a pénétré dans l’anus de votre partenaire

    11 aviez-vous mis un préservatif à chaque pénétration

    12 le sexe de votre partenaire a pénétré dans votre anus

    13 avait-il mis un préservatif à chaque pénétration

    14 vous avez mis votre poing dans l’anus de votre partenaire

    15 votre partenaire a mis son poing dans votre anus

 

En outre, la pratique du lavage des zones ano-génitales avant et après les rapports sexuels, considérée comme un facteur de risque (Messiah et coll. 1993), a fait l'objet de questions. A notre connaissance, on ne retrouve les questions concernant le lavage des zones ano-génitales dans aucun autre questionnaire contemporain. 

 

La comparaison entre les différents questionnaires analysés et la comparaison entre les questions sur les pratiques sexuelles réalisées au cours de la vie et celles portant sur les pratiques sexuelles réalisées au cours du dernier rapport sexuel appelle quelques commentaires.  Il était bien évidemment impossible d'inclure dans ces questions toutes les pratiques mettant en contact l'ensemble des différentes parties et zones du corps humain. Or il apparaît que, concernant les pratiques sexuelles, le questionnaire de l'ACSF propose un registre de questions bien plus étendu que les autres questionnaires étudiés.  Cette extension du champ de l'investigation va bien au delà des pratiques à risque annoncées dans la présentation des objectifs de la recherche (cf. supra) et  répond au souci d'explorer l'activité sexuelle de la population.  On relève cependant quelques décalages entre les deux séries de questions de l'ACSF.  Les questions concernant l'absorption bucale de sperme (pour les femmes ayant déclaré avoir eu des rapports sexuels avec un homme, et pour les hommes ayant déclaré avoir eu des rapports sexuels avec un homme), l'utilisation de films ou de revues pornographiques, l'utilisation d'une "messagerie rose sur le minitel" ou d'un "téléphone érotique", les rapports sexuels à plusieurs et l'échangisme de couple, l'utilisation d'objet pour obtenir une excitation sexuelle ainsi que les abus sexuels, ne sont posées qu'en ce qui concerne l'expérience sexuelle au cours de la vie; elles ne sont pas posées en ce qui concerne le dernier rapport sexuel, alors qu'on pourrait penser qu'elles aient eu lieu lors de celui-ci .  A l'inverse  les questions concernant :  les caresses tendres des corps, l'insertion des doigts dans le vagin[4],  ne sont posées que pour le dernier rapport sexuel. La question sur l'insertion du poing dans l'anus n'est posée qu'aux hommes ayant déclaré avoir réalisé leur dernier rapport sexuel avec un partenaire du même sexe. La formulation des questions : "Vous avez mis votre poing dans l’anus de votre partenaire" et celle de la question concernant l'insertion des doigts dans le vagin:  "vous avez mis vos doigts dans le vagin de votre partenaire" apparaît  en outre sous une forme différente par rapport aux  questions sur l'insertion du pénis dans le vagin ou dans l'anus du partenaire : "Votre sexe a pénétré dans le vagin (ou l’anus) de votre partenaire". On peut déceler l'expression de  représentations différentes du corps et des différents organes. Le pénis apparaît ainsi plus autonome que la main ou les doigts.  Par ailleurs, les pratiques voyeuristes et sado-masochistes ne sont pas explorées en termes de pratiques mais seulement en termes de fantasmes. L'absorption de fluides corporels n'est explorée qu'à propos du sperme et pas à propos d'autres liquides tels que les sécrétions vaginales, les sécrétions menstruelles, la salive pour lesquelles on a préféré poser la question en terme de "contact physique" (Qu. 228) plutôt qu'en termes "d'absorption", sans parler de l'urine  qui n'a pas été abordée dans le questionnaire.  

 

Ces différences, qui ne sont pas toutes justifiées par une théorie des pratiques à  risque expliquant le choix des questions ainsi que celui des formulations, et qui font apparaître le caractère non-systématique de l'investigation sur ces points, laissent transparaître une certaine incertitude, voire même de la gêne et de la méconnaissance quant au bien-fondé de l'exploration de ces questions. Par ailleurs, il faut tenir compte des recommandations énoncées par certaines des instances d'évaluation institutionnelles: "Etant donné que quelques parties n'ont pas un rapport direct avec le sida, notamment celles portant sur l'onanisme, les fantasmes ou encore l'appréciation par les individus de leur satisfaction sexuelle, s'il s'avérait nécessaire d'effectuer des coupes - ce qui semble devoir être fait au vu de la longueur du questionnaire - il faudrait les faire en priorité dans ces sections du questionnaire." (Conseil national du Sida, 1990) [5].  "Le rapport direct avec le sida" fait rarement l'objet d'une explicitation. Ce présupposé implicite et non défini a souvent fonctionné comme un argument participant de la construction du champ de l'activité sexuelle.

L'inclusion d'un question concernant l'insertion du poing dans l'anus,  réservée aux seuls homosexuels masculins mérite d'être citée à titre d'exemple.  Cette pratique a été développée, depuis une dizaine d'années, par des groupes très minoritaires - de l'ordre de 6% des homosexuels masculins - sous le nom de "fisting". A l'instar de la fellation, elle fait l'objet de controverses scientifiques quant au risque d'infection,  lorsqu'elle est réalisée dans ces groupes  (Pollak et coll., 1992).  Par contre, la même pratique, non-emblématisée sous le nom de "fisting" [6], et parfois réalisée dans des conditions de violence sexuelle, est connue depuis longtemps en médecine comme une pratique qui détériore la muqueuse anale (Miles et coll., 1993;  Hobbs et coll., 1986; bush et coll. 1986).  On peut donc s'interroger sur les raisons qui ont conduit à ne pas poser de question sur cette pratique aux hétérosexuels des deux sexes, alors que d'autres questions concernant des pratiques très minoritaires et ayant des degrés variables de risque ont été posées.  Comme on le voit sur cet exemple, la rationalité scientifique n'a pas été la seule à l'oeuvre dans le choix des questions. Le souci de ne pas "heurter la sensibilité des interviewés" (C.N.S., 1990) a joué, d'une part, de façon différentielle pour les hétérosexuels et les homosexuels et a, d'autre part, orienté le choix ou l'abandon de certaines questions pour l'ensemble de la population ayant eu au moins un rapport sexuel au cours de la dernière année.  

 

Activité sexuelle, risque et maladie

Comme nous l'avons déjà dit précédemment, les questionnaires sur les comportements sexuels réalisés dans le contexte du sida sont fortement focalisés sur les corrélations entre certains aspects de l'activité sexuelle et le risque d'infection à VIH.  Cette focalisation se manifeste quasiment à tous les niveaux de la construction, du choix et de la formulation des questions. Les thèmes du risque, de la prévention de l'infection et du "sida" sont présents de manière directe ou indirecte dans tous les modules de questions:  dans les représentations de la sexualité, le "locus of control", les perspectives temporelles, les relations de confidence, la communication entre les partenaires, les sentiments, la connaissance du partenaire, les changements de comportements, la perception du risque pour  soi-même, la prise de risque, la connaissance et les attitudes à l'égard des personnes porteuses du virus, les pratiques de dépistage (soi et le partenaire), la grossesse, l'utilisation de préservatifs (connaissance attitudes et pratiques), les maladies sexuellement transmissibles.  En comparaison, les thèmes de la contraception et de la procréation, qui relèvent aussi du champ de la santé et de la sexualité, n'apparaissent que dans cinq questions (dont une partie est encore reliée au thème du sida).  La prédominance de ces thèmes apparaît donc aussi bien dans des modules spécifiques qui constituent désormais le corpus de la recherche dite en sciences sociales dans le champ du sida (approches "KAbP" : connaissances, attitudes, croyances et pratiques) que dans des modules constituant  l'originalité de l'ACSF par rapport à d'autres enquêtes actuelles, telles que les questions sur la communication.   A titre d'exemple, la question 202 :

 

"Et juste avant ce rapport sexuel, est-ce que vous avez parlé avec votre partenaire ? 

prévoyait  les réponses suivantes :

1 de sentiments, d'amour

2 de maladies qui se transmettent sexuellement 

3 de contraception

4 du sida

5 d’autre chose

6 de rien "

Le questionnement apparaît bien focalisé à travers la concentration des questions sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles (2 modalités de réponse sur 6).  Le resserrement de la question empêche de traiter précisément d'autres thèmes de conversation entre les partenaires "au cours du dernier rapport sexuel",  non reliés au champ de la santé en dehors "des sentiments et de l'amour". Cette prédominance dénote l'influence majeure de la "problématique-sida" sur l'exploration de l'activité sexuelle et de ses significations. 

 

Par comparaison, la quasi-totalité des questionnaires analysés (à l'exception des questionnaires NORC et ACSF) ne contiennent pas de questions sur la dimension affective (l'amour) des relations entre partenaires (Apostolidis, 1993).   Cette absence que l'on relève déjà dans les rapports Kinsey et Simon (dans ce dernier questionnaire, on trouve une sous-question sur les sentiments amoureux qui pourraient être exprimés suite à l'orgasme) se précise dans le contexte du sida.  A l'inverse, dans le rapport Simon, on avait  longuement exploré la notoriété du Planning Familial et la connaissance des méthodes contraceptives et de l'I.V.G. notamment. La "connaissance" était déjà associée à l'étude de certaines composantes des pratiques en matière de prévention des naissances et considérée comme l'un de leurs déterminants centraux. 

Comme on peut le voir, les modèles explicatifs et les thèmes retenus pour contribuer à l'analyse de l'activité sexuelle varient selon les orientations générales des questionnaires au point que certaines dimensions considérées comme des déterminations centrales dans certains questionnaires ont été abandonnées ou fortement minorées dans d'autres. 

 

Conclusion

 

Dans le cadre de cet article, à partir de l'analyse du questionnaire de l'ACSF et de la comparaison avec d'autres questionnaires réalisés dans le contexte du sida,  nous avons tenté de mettre en évidence l'influence d'une représentation épidémiologique de la sexualité. Notre propos n'est pas de critiquer les conceptions épidémiologiques qui organisent les approches de l'activité sexuelle comme vecteur de transmission des MST et du VIH ainsi que l'identification de certains facteurs de risque (ce qui est en dehors de notre champ de compétences),  mais de repérer les dérivations et les modifications de ces conceptions dans les recherches pluridisciplinaires.  Nous avons tenté de repérer  l'influence, et notamment la réduction spécifique, qu'exercent les modèles explicatifs de l'épidémiologie sur la délimitation de l'étude du champ de l'activité sexuelle et d'identifier l'émergence d'une nouvelle représentation de l'activité sexuelle dans le contexte évolutif de l'épidémie de VIH-sida. 

 

Cette influence a été repérée tout d'abord à partir de l'analyse des situations sociales, culturelles et épidémiologiques (stricto sensu) qui ont créé les conditions favorables à l'organisation et à la réalisation des enquêtes sur les comportements sexuels, en déterminant les objectifs principaux et secondaires assignés à celles-ci et en désignant les acteurs du champ de la recherche considérés comme les plus à même de les réaliser. L'analyse détaillée de la structure et des contenus thématiques des questionnaires - et en particulier du questionnaire de l'ACSF - a été réalisée sur différents éléments : 1/ la présentation du questionnaire aux personnes interrogées;  2/ les caractéristiques attribuées aux répondants ainsi qu'aux partenaires décrits et rapportés par ceux-ci;  3/ les pratiques sexuelles; 4/ la thématique sexualité-risque-sida.  Pour chacun de ces éléments nous avons été en mesure de mettre en évidence la prédominance d'une "problématique-sida" qui a imprégné l'ensemble du questionnaire, en plaçant l'exploration de l'activité sexuelle de la population sous le signe majeur du thème du "sida".  Cette imprégnation a été repérée dans son caractère explicite (les thèmes spécifiquement liés au "sida") et implicite (les problématiques et les thématiques non spécifiquement "sida", recentrées et focalisées sur le "sida").  Globalement, cette prédominance du thème du sida s'exprime au travers d'une sur-représentation des questions liées à ce thème et d'une sous-représentation d'autres problématiques non directement, c'est à dire implicitement considérées a priori comme non reliées à ce thème. Ces caractéristiques sont cependant beaucoup plus fortement observables dans les autres questionnaires étudiés dans cet article (à l'exception du questionnaire NORC) que dans le questionnaire de l'ACSF qui est porté par une forte tension entre l'analyse des "comportements sexuels de la population" et son utilité pour "une définition plus adéquate des stratégies de prévention du sida". 

Le questionnaire de l'ACSF a permis de donner une description et une évaluation des "comportements sexuels en France" considérée comme fiable et validée.  Il s'agit maintenant d'évaluer les possibilités qui sont offertes par ce travail pour donner une meilleure compréhension de l'activité sexuelle, en relativisant les effets liés au phénomène du sida.

 

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*) INSERM U 822, giami@vjf.inserm.fr

[1] Dans un article précédent j'ai déjà retracé la genèse de la construction du comportement sexuel dans les enquêtes quantitatives depuis Kinsey (A. Giami, 1991). Le présent article est consacré à l'analyse des influences des recherches récentes suscitées par le phénomène du sida.

[2]  La genèse scientifique, politique et administrative de l'ACSF est assez complexe à saisir.  L'attribution de la responsabilité scientifique de cette recherche à une équipe de l'INSERM plutôt qu'à une équipe du CNRS  résulte de conflits et de tractations à ces différents niveaux. L'histoire de cette genèse fera l'objet d'un prochain  article. Voir aussi à ce propos l'article de N. Bajos et A. Spira dans ce numéro.

[3] Nous n'avons pas présenté les modalités de découpage ni les différentes versions du questionnaire (court, long et la version particulière de chaque institut). Notre analyse est centrée sur la version longue du questionnaire telle qu'elle est présentée dans l'annexe  du rapport final ( Spira, Bajos, Groupe ACSF, 1993, p. 307-336).

[4]  Cette question est posée dans la section concernant la satisfaction en fonction des différentes pratiques sexuelles.

[5]  Ces remarques n'ont pas été suivies par le groupe ACSF.

[6] Cette pratique est décrite dans le contexte de relations hétérosexuelles dans l'ouvrage de Serge Doubrovsky: "Un amour de soi", Paris, Grasset